Haiti

Dr. Rosalvo Bobo's centennial address (late 1903)

Editing copyright © 2004 by the Cyber-USSR
Research and translation copyright © 2004 by P. K. Volkov

Source of text in original French:
http://haitiechanges.free.fr/bobo.htm

first posted 20040428
minor update 20040428

À PROPOS DE LA FÊTE DU CENTENAIRE ”REGARDING THE CELEBRATION OF THE CENTENNIAL”
Haïtiens, vous parlez de fêter le centenaire de votre Liberté. Ce n’est vraiment pas ingénieux comme trouvaille d’occasion de nouvelles fantasmagories. Haitians, you speak of celebrating the centennial of your Liberty. It really isn’t so very clever to find reasons for new delusions.
Je suis fatigué, ô mes compatriotes, de nos stupidités. I am tired, my fellow countrymen, of our stupidities.
Faisons grâce au monde, qui nous sait exister, de caricatures révoltantes. We entertain the world, which only knows of our existence through revolting caricatures.
Un peu de vergogne, voyons, à défaut de grandeur morale. A bit of shame, let’s see, in the absence of moral grandeur.
Centenaire de notre liberté ? Non. Centennial of our freedom? No.
Centenaire de l’esclavage du nègre par le nègre. Centennial of blacks enslaving blacks.
Centenaire de nos égarements, de nos bassesses et, au milieu de vanités incessantes, de notre rétrocession systématique. Centennial of our follies, of our turpitudes, and, amidst unceasing pretensions, of our systematic retrogression.
Centenaire de nos haines fraternelles, de notre triple impuissance morale, sociale et politique. Centennial of our fraternal hatreds, and of our triple weakness: moral, social, and political.
Centenaire de nos entre assassinats dans nos villes et savanes. Our Centennial amidst murders in our towns and countryside.
Centenaire de nos vices, de nos crimes politiques. Centennial of our vices, of our political crimes.
Centenaire de tout ce qu'il peut y avoir de plus odieux au sein d'un groupement d'hommes. Centennial of everything that could be most hateful inside the breast of men.
Centenaire de la ruine d'un pays par la misère et la saleté. Centennial of the ruin of a country by misery and filth.
Centenaire de l'humiliation et de la déchéance peut-être définitive de la race noire, par la fraction haïtienne, cela s'entend. Je vous en prie, n'allons pas profaner les noms de ceux-là que nous appelons aussi pompeusement que bêtement NOS AÏEUX. Centennial of humiliation and, perhaps, the definitive degradation of the black race, by its Haitian representatives, this much is understood. I beg you, let us not desecrate the names of those who we call with as much pomposity as stupidity, OUR FOREBEARS.
C'est assez d'être traîtres, n'allons pas à l'imposture. Voyons, mes amis, un peu de calme et de conscience. Puisque nous avons cent ans, que sommes-nous? It is enough to be traitors, let us not be imposters as well. My friends, let’s have a bit of calm and reflection. Because we have reached one hundred years, just who are we?
C'est une vieille prétention de croire que nous sommes quelque chose aux yeux du monde civilisé Eh bien, NON ! Il faut se placer en pleine Europe pour se faire une idée de notre petitesse. Petit lieu lointain habité par des nègres. It is an old pretense to believe that we are something in the eyes of the civilized world. Of course, NOT!. One must place himself in the middle of Europe to gain an idea of our insignificance. A little, far-off place inhabited by Negroes.
Les plus curieux savent que nous avons une légère teinte de civilisation française. Quelle faveur! L'immense reste se contente de nous savoir sauvages. Entre nous, quand j'entends ces mots "Peuple haïtien", "Nation haïtienne", il se produit en moi un débordement d'ironie. The most curious know that we have a slight veneer of French civilization. How nice! The remainder, the vast majority, is content to think of us as savages. Just between us, whenever I hear the words “Haitian People” and “Haitian Nation”, I am filled with irony.
Non, mes amis, "des groupes, des individus isolés régis par un groupe stigmatisé, du nom de GOUVERNEMENT". Et comme, au point de vue de la chose commune, nous avons, par suite de graves dislocations dans le groupement primitif, des intérêts, des goûts, des idées, des idéals différents, nous en sommes à vivre chacun comme dans un désert, ne pouvant pas compter sur les forces sociales et politiques, puisque la société et la politique n'existent plus. Not, my friends, “about groups, about isolated individuals governed by a stigmatized group, called the GOVERNMENT”. And as, from the viewpoint of the common weal, we have, as a result of serious dislocations in our original society, of interests, of tastes, of ideas, of different goals, we live as if each one of us inhabits a desert, unable to rely on social and political power, because society and politics no longer exist.
La masse peut passer d'un moment à l'autre. Que lui importe d'être fauve, elle ne tient pas à elle-même. L'individu a à se défendre contre la masse. Vive et soit bien qui peut. Mais, attention ! Affiches autour de cette monstrueuse et fatale caricature, guipures du pagne: RÉPUBLIQUE, CHAMBRES, CONSTITUTIONS, LOIS. The masses can live from one moment to the next. What importance is it to them, if they be beasts, they don’t care. The individual must defend himself against the masses. Live and do as well as he can. But, watch out! Posters put up around this monstrous and deadly caricature, threads of a breechcloth: REPUBLIC, LEGISLATURES, CONSTITUTIONS, LAWS.
Ah! Le mal de la France! Ce doit être un plaisir pour l'orang-outang de rappeler la bête humaine ! Allons ! Rapprochons-nous davantage et causons. Ah! The sickness of France. It must be amusing for an orangutan to contemplate the human animal! Let’s draw close to each other right now and have a talk.
Comme on doit le faire en famille, sans scrupule, sans forfanterie. Ceux d'entre nous qui ont appris à lire un peu dans les grands livres se croient des coups grands. Les belles choses les émerveillent. Et avec un enthousiasme le plus souvent mercantile, ils se mettent, au fur et à mesure qu'ils tournent les pages, à plaquer des grandeurs artificielles sur notre petitesse immuable. Just like it should be done at home, holding nothing back, without dissimulation. Those of us who have learned to read a little of the great books think themselves important. They are moved by beautiful things. And with an enthusiasm that is most often mercenary, they set about, in proportion to what they have read, to gloss over our eternal insignificance with artificial grandeurs.
Hélas! Petitesse de nos misérables cerveaux ! Venons-en donc décidément à nous persuader que nous sommes des gens d'en bas, des apprentis capables de besognes déterminées. Nos petitesses uniformes seraient si admirables ! Alas! The smallness of our miserable brains! Then let’s come to persuade ourselves that we are downstairs folk, capable apprentices for certain tasks. Our consistent weaknesses would be so admirable!
Le génie chez le grand est remplacé par la vanité chez le petit. Avouons que nous avons besoin tout au moins d'un peu d'intelligence à défaut de génie. Et résignons-nous à l'humiliation d'en demander l'aumône aux riches cerveaux de l'humanité d'en haut. Et que mesurons-nous à l'étalon de la moralité ? Maisons publiques, maisons officielles? Bourbiers! The genius of the great is replaced by the vanity of the small. We swear that we just need but a little intelligence, in the absence of genius. And we resign ourselves to the humiliation of begging alms from the rich intellects of humanity up above us. And what do we measure on the scale of morality? Our public houses, our official houses? Mud holes!
Les plus malins, verrats embusqués dans des formes humaines, en émergeant avec quelques paillettes d'or. Mais le sentiment du beau nous faisant défaut, nous n'en savons pas user. The most malign are rutting pigs in human form, emerging from the muck with a superficial coating of gold. But we lack the sentiment of goodness, we don’t know to use it.
Et nous sommes depuis cent ans des jouisseurs avides. Des immoraux, des pédants, des orgueilleux ! Par conséquent, des niais et des réfractaires, voilà ce que nous sommes! And for a hundred years we have been avid seekers after pleasure. Debauchees, pedants, prideful! Inept and undisciplined, as a result, that is what we are!
Ayons le courage, l'heure est venue, de nous dénoncer tels à nous-mêmes. Let’s have the courage to criticize ourselves for what we are, the time has come.
Et le 1er janvier 1904, s'il faut quand même faire quelque chose, au lieu de semer les lauriers sur les mânes introuvés de nos aïeux, après avoir passé un siècle à les oublier, à les souiller, à nous moquer outrageusement de leur héroïsme ; au lieu du pourpre et des flammes, nous tendrons un deuil d'un bout à l'autre du pays, en témoignage de notre remords et, la bouche contre terre, tenant chacun un bout de crêpe pendant au drapeau bicolore, nous demanderons pardon à Dessalines, à Toussaint, à Capois, à toute la phalange immortelle de notre histoire. And the first of January, 1904, if anything at all must be done, instead of placing laurels on the elusive spirits of our forbearers, after having forgotten about them for a century, after soiling their memory, making outrageous mockery of their heroism; instead of imperial purple and banners, we will mourn from one end of the country to the other, in witness of our remorse and, prostrate on the ground, each one of us with a piece of crepe hanging from the national flag, we will ask forgiveness from Dessalines, from Toussaint, from Capois, from all the immortal legions of our history.
Pardon de notre ingratitude, de notre esclavage, malgré eux. Pardon de nos folies. Forgiveness for our ingratitude, for our slavery, despite them. Forgiveness for our follies.
Pardon de nos parjures et de notre croupissement. Et nos pleurs plairont mieux à ces dieux que les fêtes bêtes, déloyales et scandaleuses, qu'à contrecour, par fausse pudeur, nous nous évertuons à leur préparer. Forgiveness for our perjuries and our abasement. And our tears will better please those immortals than stupid, disloyal, and scandalous celebrations, which disgust by their false innocence, that we are striving to prepare.
Non. Je proteste de toute la force de mon âme. Nous ne fêterons pas, parce que, pour bâcler ces fêtes, étant misérables, chétifs, sans le sou, il nous faudra encore fouiller dans la bourse du paysan et faire manger au peuple la dernière vache maigre. No. I protest with all the force of my soul. We will not celebrate because, to pull off these celebrations, being miserable, weak, impoverished, it will be still necessary for us to dig into the peasant’s wallet, and feed the people with the last skinny cow.
Nous ne fêterons pas, parce que, tandis qu'au palais, dans nos salons somptueux, nous viderions la coupe au vin d'or et chanterions ivrogneusement l'an sacré 1804, ce paysan dépouillé, ce peuple miséreux pourrait le maudire. Et leurs malédictions en feraient sortir d'autres du sein de la terre. We will not celebrate, because, while in the palace, in our sumptuous salons, we will empty the wine from the golden goblet and we will drunkenly sing honor to the holy year of 1804, this skinned peasant, this miserable people would curse us. And their curses will cause others to rise out of the earth.
Eh bien donc, un peu de vergogne et travaillons à sortir du stupre de tout un siècle. Et s'il nous plaît de commencer bientôt, 1904 ne sera la fête de rien du tout, mais la première année d'existence d'une collectivité de braves gens nègres travaillant modestement et moralement à être un peuple. Well then, a little shame and let’s work to emerge from the stupor of an entire century. And if it pleases us to start soon, 1904 will not be a celebration of nothing at all, but the first year of the existence of a gathering of brave black people working modestly and with dignity to be a people.
Et la petite république d'Haïti pourra être une immensité en pleine Europe ! Et le vieux continent pourra se préoccuper, en l'an 2004, du premier centenaire de la GRANDE LIBERTÉ du PEUPLE HAÏTIEN! And the tiny republic of Haiti will be able to be a huge thing to all of Europe! And the old continent will be able to take notice, in the year 2004, of the *first* centennial of the GREAT FREEDOM of the HAITIAN PEOPLE!


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